Historique

La Création

Les Bains des Pâquis existent depuis 1872. Construits d'abord en bois, puis agrandis en 1889 sur pilotis, ils furent reconstruits en dur, en 1931-1932. En 1890, les Bains deviennent publics et municipaux. Ils étaient payants de 7 heures à 18 heures les jours de semaine et gratuits les dimanches et jours de fêtes. Quelques heures gratuites étaient réservées aux femmes afin d'éviter la promiscuité.

La ville de Genève décide de reconstruire les bains en 1932. Les simples baraques de bois sont détruites pour laisser la place à un aménagement complet de la jetée en béton armé. Le projet choisi fut celui de l'ingénieur Louis Archinard et de l'architecte Henry Roche qui offrait une parfaite égalité de surface entre les hommes et les femmes et une superficie de 6500 m2. Le premier des 448 pieux fut planté le 20 janvier 1932.

Le succès est total, les Genevois s'approprient ce site et en font leur lieu estival préféré. Alliant calme, sports, santé et loisirs, les Bains sont également imprégnés d'un côté social et socialisant qui n'a pas échappé à ses utilisateurs. Fin des années 80, un projet prévoit la reconstruction des Bains. Or qui dit reconstruction, dit démolition. Pourquoi un tel projet alors que la rénovation permettrait de garder l'esprit des Bains...?

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Photo des Bains des Pâquis en noir et blanc, côté saunas

Le projet de destruction

Début des années 80, la rumeur court dans les rues des Pâquis... lle se propage d'une serviette de bain à l'autre, autour des tables de la buvette et sous les platanes. La Ville de Genève veut transformer les Bains des Pâquis ! Les utilisateurs se sentent trahis par un projet qui ne respecte en rien l'esprit des Bains. Certes il est prestigieux mais ne correspond pas aux attentes des baigneurs. Comment convaincre la Ville que les Bains doivent être rénovés sans être modifiés.

Ce qui fait la richesse de ces Bains c'est leur convivialité, le mélange de générations et de genres, leur sobriété et leur popularité. Tout un ensemble d'éléments qui font qu'on y retrouve ses amis d'un été à l'autre, qu'on y a ses habitudes et qu'on a l'impression d'être en vacances dès qu'on s'attable à la buvette. La Ville de Genève a sous-estimé les attaches affectives des Genevois aux Bains des Pâquis.

C'est la mobilisation! Les utilisateurs et les habitants du quartier lancent une campagne de protestation. En février 1987, les défenseurs des Bains forment une association afin de déposer un recours contre le projet : l'Association d'usagers des Bains des Pâquis est née (AUBP).

Des rencontres avec les architectes et les élus se succèdent. L'AUBP fait campagne pour signifier que le projet de démolition-reconstruction ne correspond pas aux attentes des usagers qui souhaitent juste la rénovation des Bains. C'est un échec, le Conseil municipal vote le projet en décembre 1987. L'AUBP décide alors de lancer un référendum pour que les Genevois se prononcent sur l'avenir des Bains: plus de 9000 signatures sont rapidement récoltées et le référendum est déposé.

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Photo en noir et blanc des Bains des Pâquis recouverts de glace
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Photo en noir et blanc du Bains des Pâquis avec de la foule côté lac

La lutte

Le référendum est fixé au 25 septembre 1988. L'AUBP doit convaincre la population que la rénovation des Bains est techniquement réalisable et qu'elle coûtera moins chère qu'une destruction-reconstruction.

Face aux diagnostics désastreux de la Ville de Genève soutenant que les Bains devraient être détruits à cause de la maladie du béton, l'AUBP fait sa propre évaluation des 513 piliers et constate que seule une dizaine de piliers est atteinte de carbonatation. Une contre-expertise révèle que les Bains sont réparables et un nouveau projet réalisé par des architectes favorables aux Bains est proposé.

La campagne est financée par les spectacles et les fêtes organisés aux Bains des Pâquis : artistes et musiciens se produisent gratuitement. Graphistes, cinéastes et dessinateurs se mobilisent également pour donner aux affiches des votations une signature particulièrement colorée. Journalistes, commerçants, maisons de quartier, espaces culturels toute la ville se mobilise et le 25 septembre 1988, près de 17 000 citoyens, 72% de votants, votent NON à la disparition des Bains.

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Affiche de la campagne au "Non à la destruction des Bains des Pâquis"

L'architecture

Construction simple et harmonieuse, les Bains des Pâquis, s'intègrent discrètement dans le paysage de la rade. Adossés à la jetée, les bassins permettent aux baigneurs de profiter de la vue sur la ville alors que les plages s'ouvrent sur le lac tout entier. La simplicité et la clarté architecturale en font une construction intemporelle chère au coeur des Genevois. Cet espace qualifié par certains d'ethno-terriroire illustre la relation entre l'individu et son environnement urbain. Chaque espace des Bains est imprégné de la dimension affective et de la mémoire des Bains. Tout est fait pour que le baigneur puisse s'approprier les lieux et les investisse en conjuguant tranquillité et convivialité.

«En amont de la jetée la configuration lacustre domine l'environnement, alors qu'en aval la plate forme des bains permet un regard généreux sur la ville. Entre ces deux orientations, des espaces élémentaires nous mettent en rapport avec l'administration (accueil), le ciel (couloir des cabines), les plans d'eau, la convivialité (la buvette), l'évasion paysagère sur le lac Léman (la plage). Alternance entre espaces ouverts et espaces clos, entre perspectives visuelles et écrans de nature différents, entre espaces dans l'eau et espaces sur l'eau. L'organisation du plan évite toute monumentalité et illustre la juste mesure.

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Photo du bains des Pâquis le matin

La mise en espace témoigne du sens de l'utile, de la simplicité rationnelle, de la relative pauvreté des matériaux utilisés, de l'attitude de modestie s'inscrivant dans ce paysage. La connaissance de la nature des fonds et des caractéristiques hydrauliques du lac, ont permis la construction d'un édifice stable reposant sur plusieurs centaines de piliers en béton. La lisibilité de la construction prend en compte les contraintes du milieu aquatique et du site.» (Marcellin Barthassat, architecte).